Ferdinand Ramuz / Igor Stravinsky

27 / 28 / 29 et 30 juillet 2017
Château de Chillon

Production
Association Maecenas

Mise en scène 
Benjamin Knobil

Avec
Michel Voïta, Le Lecteur
Thierry Jorand, Le Diable
Quentin Leutenegger, Le Soldat
Rosanne Briens, La Princesse

Montage vidéo et mapping
Nicolas Wintsch

Scénographie
Jean-Luc Taillefert 

Costumes
Anne Marbacher

Création lumière
Estelle Becker

Régie son
Bernard Amaudruz

Chorégraphies
Patricia de Anna

Orchestre
Didier Zumbrunnen, chef d’orchestre
Claire Dassesse, violon
Jocelyne Rudasigwa, contrebasse
Camillo Battistello, clarinette
Gordon Fantini, basson
Claude-Alain Barmaz, cornet à pistons
David Rey, trombone
Romain Kuonen, percussions

Administration
Daniel Zumbrunnen

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24 heures

RTS

Notes de mise en scène

L’argument de la pièce est d’inspiration faustienne mais reprend un vieux conte russe compilé par Alexandre Afanasiev : un Soldat pauvre vend son âme (représentée par le violon) au Diable contre un livre qui permet de prédire l’avenir. Après avoir montré au Diable comment se servir du violon, il revient dans son village. Hélas, au lieu des trois jours promis, le séjour passé avec le Diable a duré trois longues années. Personne au village ne reconnaît le Soldat : ni sa mère, ni sa fiancée, qui s’est mariée.

Le Soldat utilise alors son livre magique pour devenir fabuleusement riche. Incapable d’être heureux avec sa fortune, il joue aux cartes contre le Diable : son argent contre le violon. Le Diable gagne, mais enivré par ses gains il se laisse voler le violon. Le Soldat peut alors guérir et séduire la Princesse malade promise par son père le Roi à qui la guérirait. Malheureusement cherchant toujours plus de bonheur, le Soldat et la Princesse quittent alors le royaume et désobéissent au Diable. Le Soldat est emporté en enfer.

L’histoire du Soldat est une histoire de mélanges et de métissages. Le Méphisto de Faust rejoint les légendes russes au bord du lac Léman. La musique classique rejoint des genres variés de musique populaire, tandis que le théâtre et la danse se fondent dans une évocation musicale et visuelle.

Dans L’histoire du Soldat, le livre représente le savoir, la connaissance et le pouvoir. Il me paraît intéressant de se placer dans une perspective plus contemporaine. En dépassant l’aspect bucolique du siècle passé, on peut se poser la question d’une transposition cent ans plus tard pour mieux souligner la modernité de cette grande œuvre. Quel livre réel contient le monde aujourd’hui ? Un livre tablette peut-être qui connaît le passé et ouvre la porte sur l’avenir, l’argent et la puissance. Le flux d’informations et les mécaniques multiples de leur utilisation assurent à coup sûr la victoire du Diable et la déshumanisation de nos sociétés. Qui est le soldat suisse ou russe d’aujourd’hui qui rentre chez lui ? De quelle guerre revient-il et pourquoi se laisse t-il tenter si facilement? Pourquoi l’amour ne parvient-il finalement pas à triompher ?

Pour répondre à ces questions, il me paraît pertinent dans une mise en scène d’ancrer les personnages aujourd’hui et de donner des signes d’une temporalité distordue et mélangée entre 1917 et 2017. Pour cela, le contraste entre les décors naturels et historiques des lieux de représentation avec leur utilisation comme support vidéo permettra de faire vivre cet amalgame. Les images et la technique de “mapping vidéo” du vidéaste Nicolas Wintsch seront donc au centre de ce projet dramaturgique.

Les techniques du “mapping vidéo” permettent de projeter de la lumière, de et des compostions graphiques sur des volumes, de recréer des images de grande taille sur des structures en relief, tels des monuments. Les volumes sont redessinés en 3D, afin d’obtenir des projections vidéo qui adhèrent avec précision aux endroits choisis. Des jeux d’illusion optique peuvent rendre confus la perception ou induire en erreur le spectateur à partir de la déconstruction illusoire de ce qui était statique .Cela consiste donc à prendre en photo les décors naturels pour ensuite les re-projeter en taille réelle sur la même surface. Cela permettra de tordre les murs vénérables du Château de Chillon, de créer du mouvement, de la magie parfois diabolique, et, par la projection, de passer du passé au présent.

Pour l’importante part de la narration et du duo cruel, ludique et jubilatoire du diable et du soldat, je me réjouis de cette distribution aux voix magiques et timbrées, alliant expérience, jeunesse et talent avec Michel Voïta, Thierry Jorand et Quentin Leutenegger. Aussi la danse jouera un rôle important pour faire briller visuellement les longues fulgurances musicales de Stravinski grâce aux chorégraphies subtiles et dynamique de Patricia de Anna.

C’est donc une forme légère et portative entre tradition et modernité mélangeant jeu, musique et danse qui est proposée pour aller encore et encore enchanter les villages et les châteaux avec une œuvre intemporelle et extraordinaire.