La Méditerranée
(Vincent Knobil)
La piscine
(Benjamin Knobil / Vincent Knobil)
Le papillon
(Benjamin Knobil / Vincent Knobil)
Adieux
(Benjamin Knobil / Vincent Knobil)
Le salon de coiffure
(Benjamin Knobil / Vincent Knobil)
Ma Méditerranée
(Benjamin Knobil / Vincent Knobil)

Écouter les maquettes de travail et des extraits des concerts !

La Méditerranée

Coincé sur la route
Pris dans les embouts’
Sous le ciel maussade
De la capitale

Comme tous ces captifs
Massés sur le périph’
Entre rage et désespoir
Je rêve d’ailleurs et d’autre part

La brise sur les orteils
A l’heure de l’apéro
Les rayons du soleil
Qui caressent ma peau

Couché sous les étoiles
Sur le sable encore chaud
Le doux son des cigales
Et du ressac en stéréo

Et puis un jour, miracle, j’hérite
D’une petite bicoque
Au sommet d’une colline
Au centre du vieux Biot

Vivement la côte d’azur
Vivement de l’air pur
Humer à plein nez
La Méditerranée !

Et me voilà Nationale 7
Avec ses centres commerciaux
On se croirait en plein Midwest
Dans l’Iowa, dans l’Ohio

Ici, la Route du bord de mer
Prise en otage, prise en étau
Entre la ligne de chemin de fer
Et les gravats au bord de l’eau

Aller à Grasse, aller à Nice
Ou à Antibes, à Vallauris
Ou à Sophia-Antipolis
C’est à peu près le même supplice

Un jour si j’ai le courage
J’irai à la plage
Sentir sur mes pieds
La Méditerranée !

Mais coincé sur la route
Pris dans les embouts’
Sous un ciel de plomb
Dans ce décor de béton

Automobiliste
Je me sens si triste
Pris dans le bitume
Entre colère et amertume

Cerné par les touristes
En pleine terre lepéniste
Je rêve de quelque chose de mieux
Sur d’autres rives, sous d’autres cieux

La bruine sur le visage
J’arpente le bocage
Je me promène dans les vergers
Sous le regard des bovidés

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La piscine

Quand mes filles me supplient d’aller à la piscine
Je me couvre d’eczéma j’veux sauter sur une mine
Je marchande avec elles leur promet des bonbons
Des poupées des gâteaux d’voir d’la télévision

A la piscine les corps s’exposent avec splendeur
Les gens se badigeonnent et sucent des glaces sans pudeur
Oh Les humanoïdes des photos des magazines
N’ont pas tous ces poils et ces bourrelets qui me fascinent

Quand je vois un humain avec un slip de bain,
Je ne peux m’empêcher de l’imaginer en babouin
Portant une grande couche pour cacher aux puritains
Son sublime postérieur rouge cramoisi et libertin

Quand mes filles me supplient d’aller à la piscine
Je gémis avec force prétextant une angine
Je supplie ma femme d’les emmener à ma place
Je me traîne à ses pieds en faisant la limace

Mais mes filles en extase me prennent par la main
Et elles m’entraînent déjà vers le maudit petit bassin
Les pieds glacés dans le pédiluve répugnant
Moi le chat humain je veux partir en courrant

Dans ce bac a sardines de corps entassés
De remugles de chlore et de crème entremêlés
De déjections multiples diverses et variées
Chaviré je m’avance livide en me bouchant le nez

Quand mes filles me supplient d’aller à la piscine
Je me terre dans les placards je veux qu’on me supprime
Je me cache sous le tapis je fais le porte manteau
Je m’enferme dans le four ou au fond du frigo

Dans ce bain d’eau lourde mouillé jusqu’à l’abdomen
Plongé dans ces rejets de centrale nucléaire d’Ukraine
En bon père de famille résigné et passif
Je me décompose dans ce lagon radio actif

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Le papillon

J’ai vu ce matin en regardant par terre
un papillon posé sur mon slip vert
Après la beauté et la poésie
Je me demandai ce que ça signifie

Est-ce la preuve d’une nature dégénérée
Un signe de chance béni et sacré ?
Est-ce une hallucination matinale ?
De ma femme un message subliminal?

Puis je me pose la question terrible
Pourquoi choisir cet endroit si sensible
Est ce mon odeur ou le lycra vert
Qui attira là ce lépidoptère

Je me demande alors s’il est collé
Si quelque résidu l’a emprisonné
Mais agitant ses si petites ailes
C’est bien tranquillement qu’il se promène

Faisant alors striduler ses antennes
Se passe un bien étrange phénomène
Voilà bientôt dix autres papillons
Qui arrivent en volant en formation

Très sereinement ils se sont regardés
Leurs ailes se sont lentement agitées
Puis plus vivement avec grâce et légèreté
Avec mon slip ils se sont envolés

Au prix élevé des couvre derrière
Cela m’a mis bigrement en colère
Mais c’est aussi une leçon salutaire
Plus jamais je ne jetterai mon slip par terre.

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Adieux

J’ai perdu mon meilleur ami
Mon compagnon de toute une vie
Cigarillo au tabac tendre
Qui m’a laissé un goût de cendres

A mon réveil il m’attendait,
Après l’café il m’enveloppait
Un repas ne pouvait finir
Sans la beauté de ses soupirs

Il sublimait les paysages
Désintégrait les noirs présages
Récompensait toutes les victoires
Et consolait du désespoir

Indéfectible compensation
De chaque moment une ponctuation
Son rituel précis et codé
Etait le métronome de mes journées

Indispensable pour travailler
Irremplaçable pour penser
Son geste était une invitation
A une élégante représentation

Il imposait de la prestance
Il me donnait de l’assurance
J’aimais sa présence discrète
Comme dans une société secrète

Quand il venait à me manquer
Je commençais à paniquer
Pour inhaler son feu viril
Je pouvais le chercher dans toute la ville

J’ai perdu mon meilleur ami
Mon compagnon de toute une vie
Me consumant il me calmait
Il m’faisait peur et je l’aimais

Quand je suis né il était là
En suspension autour de moi
Et quand mon père est mort il était toujours là
A faire le crabe en tapinois

Cigarillo de mes plaisirs
Fumée exquise de mes désirs
C’est moi qui t’ai quitté oh mon ami
Mon compagnon de toute une vie

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Le salon de coiffure

Mon tour de calvitie devant être taillé
J’entrai dans le salon d’un coiffeur bien brushé
Lui en bon commerçant, vantant sa kératine
Exhibait fièrement les poils de sa poitrine

Dans le domaine humide des shampouineuses
Se glissa une femme des plus voluptueuses
Ne pensant sans-doute qu’a éliminer ses lipides
Elle mouilla mon crâne d’un détergent liquide

Et ma tête résignée posée contre l’émail froid
Fut surprise par l’exquise douceur de ses doigts
Ah ! ses ongles s’enfonçant dans mon cuir chevelu
Réveillaient en moi des jouissances perdues

Les yeux clos je sentait sa poitrine m’effleurer
Tout mon corps irradié commençait à brûler
Et pendant que l’experte fouillait mes follicules
Je me projetais un rêve sur pellicule

Je la voyais nue sur moi à califourchon
Avec bestialité frictionnant ma toison
Nous montions descendions sur le siège hydraulique
Sous une mousse épaisse giclant de flacons phalliques

Mais soudain sans prévenir mon phantasme se brisa
Quand sans même un regard ma masseuse me quitta
Et elle céda sa place au maquereau à moquette
Qui commença la coupe de mes belles rouflaquettes
(en m’faisant la causette)

Les salons de coiffure sont des lieux de perdition
C’est là que l’on rencontre les pires tentations
Il faudra que j’achète une tondeuse électrique
Ça coûtera moins cher et c’est plus catholique

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Ma méditerranée

Oh la méditerranée
je n’peux pas y échapper
Chaque fois qu’j’dois m’raser
Mon miroir est sans pitié

Sépharade par ma mère
Ashkénaze par mon père
Je ne suis qu’un sale bâtard
Un pauvre juif sans territoire
Mais si j’ai choisi mon camp
D’être un fils de l’occident
Il y a bien un domaine
Ou le sud est suprême

Mettre au four des poivrons
Pénible préparation
Peler épépiner
Les légumes grillés
Les doigts au supplice
Je prépare un délice

Et mon couteau écarlate
Coupe la chair délicate
Les lamelles bien égales
Sont prêtes pour la poêle
L’huile d’olive chauffée
Commence à crépiter

Oh La méditerranée
Sait si bien faire à manger
Oh entre un gefelte fish
Ou tout autre plat yiddish
Et une délicieuse kémia
Ou un divin couscous de roi
Oh Je me donne à l’orient
Pour l’aimer à pleines dents

Et je fais revenir l’ail
Son odeur est comme un rail
Avec application
Je rajoute mes poivrons
Sel poivre et tomates
Sont les seuls aromates

Et je goûte de temps en temps
Savoure l’assaisonnement
A feu très peu élevé
J’fais caraméliser
Cette promesse de bonheur
Au moins pendant quatre heures

Oh Algérie cette inconnue
Par ma mère si mal vécue
Oh étrangère à mon cœur
Si vivante par ses saveurs
Oh la frita chachouka
Tout mon héritage est là
Avec quelques autres recettes
C’est tout ce qui me reste

Et je fais revenir l’ail
Son odeur est comme un rail
Avec application
Je rajoute mes poivrons
Sel poivre et tomates
Sont les seuls aromates

Et je goûte de temps en temps
Savoure l’assaisonnement
A feu très peu élevé
J’fais caraméliser
Cette promesse de bonheur
Au moins pendant quatre heures

Oui Je me donne à l’orient
Pour l’aimer à pleines dents
Oh ma Méditerranée
Je préfère la manger

(Haut de page)

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